Les enquêtes en milieu de travail peuvent facilement dépasser leur objectif initial — un phénomène appelé élargissement du champ d’enquête (scope creep). Lorsque cela se produit, les enquêteurs peuvent élargir les questions, les périodes, la collecte de preuves ou la liste des témoins sans raison valable. Le résultat ? Des coûts plus élevés, des retards et des risques accrus pour l’équité et l’impartialité.
La meilleure protection contre cet élargissement du champ d’enquête est un mandat clair et défendable : un cadre qui ancre l’enquête dans la politique ou la législation pertinente et inclut un processus transparent de modification. Ce guide explique étape par étape comment en élaborer un.
Pourquoi l’élargissement du champ d’enquête est important
L’élargissement du champ d’enquête augmente les coûts et les délais, crée des risques d’iniquité en donnant une apparence de partialité, et affaiblit la défensibilité en cas de contestation. Un mandat bien rédigé permet de maintenir les enquêtes ciblées, équitables et crédibles.
Termes clés
- Mandat (terme général) : Définit et contrôle la portée de l’enquête, de la réception de la plainte jusqu’au rapport final.
- Section du mandat dans les TdR (version publique) : Un paragraphe concis dans les Termes de Référence (ou document équivalent) résumant les allégations, les parties, les politiques/législations applicables et la période concernée.
- Mandat opérationnel (plan de travail de l’enquêteur) : Notes internes servant à orienter la planification et la prise de décision. Non partagées textuellement avec les parties.
- Section du mandat dans le rapport (version publique) : Rappelle le mandat des TdR et documente toute modification ou décision de portée (p. ex. : allégations rejetées, limites de preuve).
Étape 1 – Appliquer le test de seuil
Demandez-vous : Si les allégations étaient prouvées vraies, violeraient-elles une politique, une loi, un contrat ou une convention collective ?
Comment l’appliquer :
- Identifiez la source d’obligation pertinente (p. ex. : politique sur le milieu de travail respectueux, législation SST, Loi sur les droits de la personne ou convention collective).
- Décomposez les éléments à démontrer (p. ex. : définition du harcèlement, de la discrimination ou de la violence).
- Faites correspondre les allégations à ces éléments.
- Décidez de la prochaine étape :
- Poursuivre si les allégations relèvent vraisemblablement d’une règle.
- Clarifier ou formaliser si elles sont trop vagues.
- Réorienter (p. ex. : accompagnement, médiation) si — même avérées — elles ne constitueraient pas une violation.
- Consignez la décision (date, décideur, justification et références politiques/légales).
Raccourci : « Si c’est vrai, est-ce que cela enfreint une règle ? » Si non, ne pas enquêter — rediriger et documenter.
Étape 2 – Rédiger la section du mandat dans les TdR
La section du mandat dans les TdR est une déclaration courte et claire qui fixe les limites de l’enquête. Pour les enquêteurs externes, les TdR sont un document officiel définissant les obligations mutuelles ; pour les enquêteurs internes, l’équivalent peut être une note interne, un courriel de mandat ou toute autre communication définissant la portée. Elle doit répondre à : Qu’enquête-t-on, par qui, selon quelles règles et pour quelle période (p. ex. : janvier 2024 à juin 2024) ?
Éléments à inclure :
- Allégations et fondements politiques/législatifs : Listez les allégations et les politiques/législations concernées.
- Parties et paramètres : Identifiez le plaignant, le défendeur, la période et les lieux.
- Rôle et autorité de l’enquêteur : Précisez la portée des constatations, analyses ou recommandations.
- Livrables et destinataires (si requis) : p. ex. rapport complet au client, résumé pour les parties.
Conseil : Restez concis — un paragraphe suffit généralement.
Étape 3 – Définir le mandat opérationnel (plan de travail de l’enquêteur)
Le mandat opérationnel guide le travail quotidien de l’enquêteur. Il est interne, mais doit s’aligner sur les TdR. Les éléments clés comprennent :
- Clarifications hors du champ : Documentez les exclusions en interne. Résumez-les dans le rapport final uniquement si pertinent.
- Limites de preuve : Recueillez uniquement ce qui est directement lié aux allégations. Évitez les recherches exploratoires inutiles.
- Limites relatives aux témoins : Définissez qui peut être interrogé (témoins internes vs externes, limites de contact).
- Confidentialité et communication : Protégez la confidentialité en limitant les divulgations aux personnes ayant besoin de savoir, tout en prévoyant des mises à jour régulières au client et en garantissant une égalité d’information pour les deux parties.
- Délais et jalons : Fixez des dates cibles et anticipez les retards possibles (disponibilités, production de documents). Lorsque possible, reliez ces délais aux exigences légales, politiques ou conventionnelles.
- Processus de modification : Spécifiez comment les changements de portée seront approuvés — par mise à jour des TdR ou instructions écrites du client. Mentionnez et référencez toutes les modifications dans le rapport final.
Étape 4 – Le standard de preuve et son lien avec la portée
Bien que le standard de preuve soit un élément fondamental de toute enquête en milieu de travail, il est également lié à la portée. Utiliser la prépondérance des probabilités comme référence permet de ne recueillir et d’évaluer que les preuves nécessaires pour déterminer s’il est plus probable qu’improbable que chaque allégation se soit produite. Cela évite les enquêtes excessives et garantit un travail ciblé.
Les conclusions d’enquête en milieu de travail reposent sur la prépondérance des probabilités : déterminer s’il est plus probable qu’improbable que le comportement allégué ait eu lieu. Toujours :
- Appliquez ce standard de façon cohérente.
- Expliquez comment la crédibilité a été évaluée.
- Évitez les indicateurs peu fiables (p. ex. : langage corporel seul, gestes nerveux ou hésitations à parler).
Conclusion
L’élargissement du champ d’enquête peut compromettre l’intégrité d’une enquête — mais il est évitable. En définissant clairement les règles dès le départ, en établissant un mandat précis et en appliquant équitablement le standard de preuve, les enquêtes restent ciblées, équitables et défendables.